Il est des pays où le mensonge s’élève au rang de vertu républicaine, des républiques où le déni devient méthode de gouvernement, et des gouvernements pour qui la rigueur n’est qu’un mot creux, déclamé avec emphase pour mieux cacher l’indigence d’une pensée économique qui se meurt.
La France, hélas, est devenue ce théâtre tragique où l’État promet l’équilibre budgétaire en brandissant l’épée de bois de l’austérité imaginaire[…] De qui se moque-t-on ?
La pièce commence par un silence assourdissant : Moody’s, l’agence de notation, refuse de noter la France. Une abstention qui, dans le langage feutré des marchés, équivaut à une gifle.
Les signaux sont là, criants, évidents, mais les acteurs persistent dans leur théâtre de l’absurde. Le déficit budgétaire atteint déjà 5,4 % du PIB pour 2025, et les promesses d’un retour aux 3 % sont repoussées à 2029.
En clair, jamais. Ce ne sont pas des engagements, mais des slogans. On promet une décrue des dépenses publiques alors que, dans le budget 2025, celles-ci augmentent de 43 milliards d’euros par rapport à 2024, passant de 1652 à 1695 milliards. On annonce une économie, et l’on enregistre un surcoût. Si ce n’est pas là une preuve de dissonance cognitive au sommet de l’État, c’est peut-être une pure escroquerie intellectuelle.
La dette publique française, ce monstre froid qui avale chaque année des milliards en intérêts, frôle désormais les 3 300 milliards d’euros, soit 112 % du PIB.
Le budget 2025, présenté comme un modèle de rigueur, montre en réalité une hausse de 43 milliards d’euros des dépenses publiques, portant le total à 1 695 milliards. Comment croire, dans ces conditions, aux promesses d’économies miraculeuses ?
Comment expliquer cette dérive abyssale ? La réponse est d’une clarté mathématique : l’État dépense sans compter, crée des commissions inutiles, engraisse un mille-feuille administratif absurde. Ce sont 570 000 élus, dont 577 députés, 348 sénateurs, 1 758 conseillers régionaux et 35 000 maires.
Ajoutez à cela 700 agences administratives et organismes divers, 140 milliards d’euros pour les seuls ODAC, ces officines publiques au nom pompeux mais à l’utilité incertaine. On recense même une « commission interministérielle de coordination des contrôles », dont personne ne semble savoir ce qu’elle coordonne réellement. À quoi bon continuer cette mascarade ?
La solution ? Elle exigerait un courage absent des cercles du pouvoir : réduire drastiquement les dépenses de fonctionnement en supprimant les doublons administratifs, en fusionnant des ODAC superflus, en gelant les embauches publiques. Économiser 50 milliards serait possible rien qu’en rationalisant ce mammouth – sans toucher aux services essentiels. Mais comment demander à des hauts fonctionnaires de scier la branche dorée sur laquelle ils siègent ?
Ce qui est grave n’est pas l’erreur — elle est humaine —, mais la persévérance dans l’erreur, elle, est criminelle. Le gouvernement sait. Il sait que les dépenses de fonctionnement sont incontrôlables, il sait que la dette explose, il sait que les taux d’intérêt ont doublé depuis 2021, il sait que le déficit commercial atteint encore 82 milliards d’euros par an.
Et pourtant, il choisit de continuer. Il choisit de mentir, encore et toujours, en maquillant les comptes publics.
Les Français, eux, voient la réalité. Ils la vivent. Ils constatent la stagnation, la désindustrialisation, les services publics déliquescents, les files d’attente à l’hôpital, l’absence de police dans les quartiers, les écoles à bout de souffle.
Pendant ce temps, on continue de verser des milliards à des cabinets de conseil, à financer des agences obscures, à maintenir des strates administratives redondantes. Le rapport Ravigon, que l’on préfère oublier, estimait à 7,5 milliards les économies possibles en supprimant certains doublons. Cela suffirait à offrir un véritable plan d’investissement public. Mais cela supposerait du courage. Et ce gouvernement, comme ses prédécesseurs, n’en a pas.
L’indigence de la stratégie de Bayrou et Lombard devient encore plus flagrante lorsque l’on examine les recettes fiscales. La croissance est en berne : 0,7 % prévue pour 2025, en baisse constante. Moins de croissance, c’est moins de recettes. Moins de recettes, c’est plus de déficit.
Plus de déficit, c’est plus de dette, donc plus d’intérêts à payer. Et l’on ne parle même pas ici de la fraude fiscale, estimée à 20 ou 30 milliards d’euros par an, ni des fraudes sociales du même ordre. Un État impuissant à recouvrer ce qui lui est dû ne peut décemment prétendre incarner l’ordre ni l’autorité.
En 2029, promet-on, le déficit public tombera à 3 %. Mais qui peut croire cette fable quand, dès 2025, il s’envolera vers 6 % ? La réalité est implacable : sans réforme structurelle, sans réduction du mille-feuille étatique, la France glissera inexorablement vers la stagflation – ce mélange toxique de stagnation et d’inflation qui ruine les ménages et les entreprises.
Il y aurait pourtant des solutions. Elles sont connues, elles sont simples.
Mais voilà, la France n’est plus gouvernée : elle est animée par des ventriloques de la dette, des illusionnistes de la dépense publique. Chaque conférence sur les finances publiques n’est qu’un écran de fumée supplémentaire. La vérité, elle, est ailleurs : le pays est ruiné, structurellement, durablement. Et rien, absolument rien, ne changera tant que ceux qui profitent de cette gabegie continueront à en tirer bénéfice.
Ce constat accablant ne se limite pas à l’intérieur de nos frontières. Il y a une perte de crédibilité globale. Le CAC 40 sous-performe, le risque France pèse sur les investissements, les agences de notation hésitent à parler, de peur de provoquer l’effondrement, mais le message est limpide : la France est une cocotte-minute budgétaire.
En vérité, l’économie française n’est plus qu’un vaste chantier de ruines, sur lequel les gouvernants viennent poser des banderoles de propagande budgétaire. Tout va bien, disent-ils. Nous maîtrisons la situation. Nous allons faire des économies. Sans impôts supplémentaires. Sans réduire la dépense. Sans toucher à la fonction publique. Et sans que cela ne change rien, bien entendu.
L’histoire retiendra peut-être que l’on avait été prévenus. Que des voix, minoritaires mais lucides, avaient tiré la sonnette d’alarme. Que les chiffres parlaient, criants, indiscutables. Mais la caste politique, les hauts fonctionnaires n’ont pas voulu écouter. Ils ont préféré leur confort à l’intérêt général, leurs privilèges à l’avenir du pays. En cela, ils ne sont pas seulement coupables : ils sont responsables.
Car c’est bien là l’ultime crime : mentir. Mentir aux Français sur l’état réel de leurs finances, sur la nature de leurs impôts, sur la destination de leurs efforts. Mentir sur les perspectives de redressement, sur les politiques à venir, sur les choix à faire. Mentir, encore, toujours, jusqu’à l’épuisement du corps social, jusqu’à l’effondrement de la nation.
On ne sauve pas un pays avec des mots. On le sauve avec du courage, de la vérité, et de la volonté. Tout ce qui fait aujourd’hui cruellement défaut à ceux qui nous gouvernent. La France ne souffre pas d’un excès de dépenses, mais d’un excès de lâcheté. Et cela, aucun budget n’en viendra à bout