En 2024, la réindustrialisation française a subi un «coup d’arrêt», selon le cabinet Trendeo. L’instabilité politique et les incertitudes mondiales ont freiné les projets industriels, avec une perte nette de 50 000 emplois et un recul des implantations d’usines.
La réindustrialisation, érigée en priorité par Emmanuel Macron depuis 2017, a connu un sérieux revers en 2024. Le baromètre annuel du cabinet Trendeo, publié le 11 mars 2025, révèle une «dégradation nette de l’activité» économique, avec un «décrochage» marqué au second semestre. Cette année, qualifiée de «coup d’arrêt» à la réindustrialisation, a été plombée par la dissolution de l’Assemblée nationale en juin 2024 et ses suites chaotiques. David Cousquer, fondateur de Trendeo, pointe pour Le Monde une accélération du déclin entre septembre et décembre, que le ralentissement entamé en 2022 ne suffit pas à expliquer.
Incertitude politique nationale
L’incertitude politique a paralysé les milieux économiques. «La dissolution a poussé les grands groupes à reporter des projets et réduire les embauches», note Cousquer, soulignant que cet effet a été amplifié fin 2024 par l’élection de Donald Trump et ses potentielles répercussions commerciales.
Conséquence : une chute de 50 000 emplois nets par rapport à 2023, avec 28 000 suppressions supplémentaires (+77 %) et 22 000 créations en moins (-18 %). Le troisième trimestre affiche le pire bilan de créations d’emplois depuis 2009. Les grandes entreprises, après un premier semestre positif (+13 000 emplois), ont supprimé 9 000 postes au second.
Le secteur industriel résiste mieux, avec 8 102 emplois nets gagnés sur l’année, mais la dynamique s’effrite : +10 990 au premier semestre, contre -2 888 au second. Plus alarmant, le solde des usines est négatif (-19 unités), une première depuis 2015, avec 21 % d’ouvertures en moins et 27 % de fermetures en plus. Par ailleurs, le cabinet Ancoris rapporte une baisse de 17 % des projets d’implantations industrielles (325 recensés), signalant un «effondrement» fin 2024. Ce reflux menace le «rattrapage» industriel amorcé sous François Hollande, que Trendeo juge fragile. «Si 2025 suit cette tendance, on reparlera de désindustrialisation», prévient Cousquer.
Un sursaut subsiste : les investissements ont crû de 9 % en 2024, portés par le numérique et l’énergie. Mais l’année 2025 s’annonce «très incertaine», entre la relance de la défense et les risques liés aux politiques douanières des États-Unis.