Pourquoi la France empêche-t-elle l’AES d’avoir sa propre monnaie ?

Après avoir réussi à expulser l’influence politique française du Burkina Faso, du Mali et du Niger, les pays membres de l’Alliance des États du Sahel (AES) doivent, en toute souveraineté, envisager de sortir du franc CFA. En effet, le franc CFA représente une épée de Damoclès pour les pays qui l’utilisent tout en étant en désaccord avec la France.

Actuellement, la France et ses alliés tentent d’asphyxier l’économie des pays membres de l’AES, comme ils l’ont fait en Guinée en 1962, sous le régime de Sékou Touré, avec l’opération « Persil », qui a détruit le système monétaire guinéen. De même, en 1962, lorsque le Mali, dirigé par Modibo Keïta, a quitté la zone franc pour cinq ans, le Sénégal et la Côte d’Ivoire, sous l’influence de la France, ont instauré des barrières douanières en représailles.

À cette époque, certains chefs d’État africains rejetaient toute idée d’unité continentale. Cependant, aujourd’hui, avec la montée en puissance de l’AES et la dynamique de souveraineté qui traverse l’Afrique, il devient plus facile et plus bénéfique pour ces trois pays de créer une monnaie commune.

Si l’Union européenne dispose d’une monnaie unique, pourquoi l’AES en serait-elle privée ?

Après avoir pris la décision de retirer les troupes françaises de leur territoire, il serait incohérent pour ces trois pays membres de l’AES de rester indéfiniment dans l’UEMOA, d’autant plus que cette appartenance à la zone monétaire n’a jamais apporté de bénéfices économiques tangibles sur le long terme. Selon les données de la Banque mondiale, en 2022, le Niger avait un revenu réel par habitant inférieur de 37 % à celui qu’il avait atteint en 1965.

Ces pays auront certainement besoin de temps pour préparer leur sortie, mais d’un point de vue légal, la démarche est relativement simple. Il suffit de se référer au Traité de l’Union monétaire ouest-africaine, distinct de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), signé en 1962. Ce traité stipule, dans son article 36, que tout État souhaitant quitter l’Union monétaire peut le faire dans un délai de six mois. Et s’il souhaite partir plus tôt, rien ne l’en empêche. D’un point de vue légal, rien ne s’oppose donc à ce que ces pays se libèrent de la zone CFA.

Ils devront, bien entendu, se donner les moyens de garantir que ce processus se déroule sans heurts, afin d’éviter de retomber dans le piège tendu par la France et ses alliés en 1962, contre la Guinée et le Mali.

Créer sa propre monnaie n’est pas une tâche insurmontable. En effet, tous les pays d’Afrique disposent de leur propre monnaie, à l’exception des 14 pays qui utilisent le CFA, contrôlé par le Trésor français.

Aujourd’hui, nous évoluons dans un monde multipolaire. Si certains pays, par le biais du terrorisme, cherchent à dominer et exploiter les ressources de l’AES, d’autres puissances sont prêtes à établir des partenariats plus équilibrés, favorisant la défense des territoires et un véritable développement durable.

Dans le cas du Sénégal, son destin économique est étroitement lié à celui du Mali et de ses voisins. Les pays de l’AES et la Guinée achètent plus de 60 % des exportations sénégalaises destinées au continent africain, d’où la nécessité de créer une monnaie unique pour l’AES.

L’euro a été lancé le 1er janvier 1999, mais l’idée de créer une monnaie unique européenne remonte à bien plus loin, à l’après-Seconde Guerre mondiale, en 1945, avec le président américain Harry Truman. Après la guerre, les États-Unis ont envisagé un système monétaire international dans lequel une nouvelle monnaie européenne pourrait se stabiliser et s’adosser au dollar, facilitant ainsi les échanges commerciaux à l’échelle mondiale et renforçant l’influence du dollar.

Cette monnaie de l’AES serait bien plus qu’un simple instrument financier si elle parvient à s’adosser à une monnaie d’un partenaire fiable aux intérêts équilibrés. Elle doit devenir une référence de souveraineté africaine, un symbole de respect dans les affaires internationales et une opportunité d’intégration pour d’autres pays au sein des États du Sahel.

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